Usine digitale – le BIM s’invite dans l’industrie manufacturière

La modélisation des données du bâtiment (BIM – Building Information Modeling) a transformé le monde de l'architecture et de la construction. Désormais, les ingénieurs d'Akkodis l'introduisent dans le secteur manufacturier, renforçant la collaboration et l'efficacité en créant des modèles 3D numériques de nouvelles usines et chaînes de production.

6 minutes

17th of November, 2025

Usine digitale: le BIM s’invite dans l’industrie manufacturière avec Matheus Calado-Pereira, Directeur d'Activité chez Akkodis France

La complexité de la fabrication industrielle rend difficile et chronophage la planification et la gestion de la construction de nouvelles usines et chaînes de production, ainsi que la modernisation de celles existantes. Pour rationaliser le processus, les ingénieurs d'Akkodis se sont inspirés du secteur du bâtiment.

Ils transposent le concept de modélisation des informations du bâtiment, développé pour faciliter la collaboration entre architectes, ingénieurs en structure, fournisseurs de matériaux de construction et entreprises du bâtiment, aux usines.

Le BIM réinventé

Nous créons un modèle 3D et un outil de gestion de projet qui facilitent la conception et consolident le planning d'exécution des infrastructures industrielles complexes. La technologie BIM n'avait jamais été utilisée auparavant dans ce type d'environnement industriel. Notre nouvelle méthode réorganise la planification et réduit les délais d'exécution, donc les coûts », explique Filipe Barbosa, qui a développé le modèle en collaboration avec Matheus Calado-Pereira.

Filipe Barbosa, Directeur Industrialisation et Performance Industrielle

Tous deux travaillent comme ingénieurs spécialisés dans la conception et la planification de chaînes de production industrielle. Au fil de leur expérience, ils ont pris conscience du besoin d'un outil sur mesure de ce type. Par conséquent, ils l'ont développé et le mettent actuellement en œuvre dans leurs rôles de consultants pour une usine de batteries automobiles de 60 000 m² dans le Nord de la France. Baptisé Simusi, un mot-valise combinant « simulation » et « usine », il réunit toutes les parties prenantes sur une seule plateforme numérique.

Du séquentiel au collaboratif

D’après Filipe Barbosa et Matheus Calado-Pereira, Simusi permet de faire évoluer l'exécution de projet d’un mode séquentiel à un mode collaboratif.

Auparavant, les plans étaient transmis d'un intervenant à l'autre. Les fournisseurs envoyaient les informations aux chefs de projet, qui les transmettaient ensuite à l'équipe de mise en œuvre. Le résultat était une importante perte de temps et des actions oubliées. Désormais, un temps précieux est économisé, les retards et discussions inutiles sont évités, en connectant tous les intervenants à la plateforme BIM.

 

Auparavant l'information transitait par trois niveaux successifs : fournisseurs, chefs de projet, équipe de mise en œuvre accumulant délais et déperdition d’information.

À titre d'exemple, Barbosa et Calado-Pereira ont simulé l'arrivée d'une machine et son parcours depuis l'entrée de l'usine jusqu'à sa position finale. En ajoutant la partie bâtiment au modèle 3D, ils ont découvert qu'elle ne pouvait pas passer, car un mur devait être installé au même moment. Le problème a été facilement résolu en reportant la construction du mur.

De même, un constructeur de machines peut visualiser en temps réél le plan d'un composant de chaîne de production sur Simusi, et le modèle enverra automatiquement une alerte si le nouveau composant entre en conflit avec d'autres parties de la chaîne de production.

En plus de faciliter l'installation des machines, le modèle permet d'intégrer plus facilement les interfaces des équipements, telles que l'alimentation électrique, l'eau de refroidissement, l'air comprimé, l'évacuation des poussières, etc.

Simusi a également apporté des bénéfices qui n'avaient pas été anticipés par les ingénieurs. Il aide l'équipe de mise en œuvre à organiser la vaste zone de stockage sur le chantier, où sont entreposés tous les conteneurs renfermant les machines en attente d'installation. Le système aide à identifier les conteneurs par fournisseur et à les classer par ordre d'utilisation.

Simusi permet de visualiser la construction des chaînes de production en s'adaptant aux besoins des différents niveaux de management, qu'il s'agisse des cadres intermédiaires ou de la direction générale en charge de projets complexes.

Rationalisation de la production

Filipe Barbosa et Matheus Calado-Pereira estiment que Simusi, en plus d'être un outil pour rationaliser l'équipement des usines et l'assemblage des chaînes de production, peut offrir encore plus de valeur aux industriels. Le modèle 3D peut continuer à fonctionner lorsque l'usine est passée de la phase de construction à celle d'exploitation.

Auparavant, la conception et la construction se déroulaient dans un système, tandis que les performances quotidiennes des machines étaient surveillées dans un autre. Simusi couple désormais ces deux univers et permet ainsi de nouveaux niveaux de transparence, tant en termes de conception, que d'exploitation et de maintenance.

 

 Au-delà de la conception et de la construction, Simusi continue d'apporter de la valeur ajoutée une fois l’usine opérationnelle.

Connecté aux Automates Programmables Industriels (API) qui pilotent les machines de production, il peut collecter les données de capteurs des équipements de fabrication, les visualiser de manière facilement compréhensible et signaler toute anomalie. Si les performances d'un équipement spécifique diminuent, il peut alerter le personnel de maintenance et recommander un plan d'action pour prévenir la panne. Elément décisif, l'échange de données avec les API s'effectue via le protocole OPC-UA, garantissant la compatibilité de Simusi avec une large gamme d'équipements industriels – y compris les machines des principaux équipementiers tels que Rockwell, Schneider et Siemens.

« Nous offrons aux responsables de production et de maintenance un outil pour visualiser les données de capteurs provenant de peut-être 200 équipements ou plus, en affichant l'état actuel de la chaîne de production dans un tableau de bord complet », explique Barbosa.

Vers la maintenance prédictive

Simusi couvrant tout ce qui concerne les machines spécifiques et les chaînes de production complètes, depuis la conception initiale et l'assemblage sur l'ensemble du cycle de vie, les fonctions prédictives deviennent accessibles. En utilisant l'apprentissage automatique pour traiter les données opérationnelles de diverses machines d'une chaîne d'assemblage, le système peut analyser les anomalies et prédire les pannes d'équipement.

Néanmoins, libérer ce potentiel prédictif demande du travail, un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Le défi consiste à identifier précisément quels points de données sont essentiels et lesquels sont sans importance. À titre d'exemple, lors de l'analyse d'une presse d'emboutissage dans une usine de fabrication automobile, les deux ingénieurs ont découvert qu'ils pouvaient utiliser les données sonores de la machine pour déclencher sa maintenance.

Selon Barbosa et Calado-Pereira, chaque équipement a ses propres caractéristiques. Pour découvrir précisément quelles données utiliser pour la maintenance prédictive, il est essentiel de disposer d'un modèle comme Simusi, ancré dans la conception de la chaîne de production et se prolongeant dans les opérations quotidiennes. Les ingénieurs de maintenance peuvent alors travailler avec chaque machine et améliorer progressivement leur analyse, en ajoutant graduellement davantage de capacité prédictive.

« Nous intégrons toutes les briques technologiques, depuis la simulation et la conception jusqu'aux opérations quotidiennes, la maintenance, etc. C'est fondamentalement différent de ce que nous avions auparavant. Il reste encore du chemin à parcourir avant d'avoir un système véritablement prédictif, mais avec Simusi nous en avons posé les premiers jalons. »

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