Des drones marins pour une lutte écoresponsable contre la submersion marine

En proposant une solution innovante et écoresponsable, Akkodis s'engage pour la préservation du littoral et l'exploitation raisonnée de la mer. Cette solution s'adresse à l'ensemble des collectivités sujettes au risque de submersion marine, et accompagne les acteurs dans leur stratégie de recomposition du littoral.

10 minutes

21st of March, 2024

Vagues submersives frappant un littoral – Image générée à l’aide de l’IA

 

Introduction :

Selon les dernières estimations du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), le niveau moyen de l'océan pourrait s'accroître de 30 à 60 cm selon une hypothèse optimiste et de 60 à 110 cm dans un scénario pessimiste d’ici 2100.

En France, cette hausse, qui favorise la propagation des vagues de forte énergie sur le littoral, serait comprise entre 40 et 70 cm, entraînant inexorablement une augmentation dangereuse de la fréquence des "submersions marines".

La submersion marine est un aléa naturel qui va malheureusement s’aggraver par la montée des eaux dans les années à venir.

Les coûts liés à ce type de catastrophe naturelle sont importants. Selon le Centre Européen de Prévention du Risque d'Inondation (CEPRI), le coût total de la tempête Xynthia a été estimé à environ 2,5 milliards d’euros. En juin 2023, la Caisse Centrale de Réassurance (CCR) a estimé, pour un futur scénario de submersion marine majeure sur la côte Atlantique, un montant de dommages entre 3,7 Md€ et 5,8 Md€.

Préparer le littoral au risque de submersion marine implique de combiner tout un panel de solutions : de sa recomposition spatiale, à la préservation des espaces naturels, en passant par des solutions de défense contre la mer.

C’est sur ce dernier point que l’équipe de Recherche et Développement Appliqué d’Akkodis a lancé en 2019 le projet SABRES : une flotte de navires autonomes et submersibles à effet brise-lames en mesure de lutter contre la submersion marine.

L’objectif du projet SABRES est de développer un système écoresponsable permettant de faire barrière aux vagues en cas de risque de submersion marine tout en minimisant les impacts sur l’écosystème marin ou la dynamique sédimentaire.

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Zoran ADAM-GAXOTTE, Chef de Projet R&D et Référent Innovation Ouest-Nord-Est au sein du département Recherche et Développement Appliqué d’Akkodis nous en dit plus. ⤵️

Zoran, peux-tu te présenter ?

Natif des Vosges avec une formation Ingénieur Génie Maritime de l'école SeaTech, j’ai rejoint Akkodis en 2011 en tant qu’Ingénieur d’Etudes à Cherbourg pour ensuite rejoindre l’équipe Nantaise en tant qu’Ingénieur R&D puis Chef de Projet R&D au sein du département Recherche et Développement Appliqué d’Akkodis.

Passionné par les initiatives innovantes pour la préservation du littoral, j’ai initié le projet SABRES en 2019, conscient que le risque de submersion marine deviendra un sujet majeur pour l'ensemble des usagers du littoral dans les prochaines années. Je suis également, depuis 2023, Référent Innovation Ouest-Nord-Est chez Akkodis.

Enrochements, brise-lames, tétrapodes… : des solutions d’affrontement obsolètes face à un risque grandissant ?

Les solutions traditionnelles de lutte contre la submersion marine ont des inconvénients majeurs, dont nous nous sommes accommodés faute de mieux. Tout d’abord, ces ouvrages sont imposants, et par leur caractère permanent, ils présentent sur le long terme des impacts importants sur les écosystèmes marins (disparition ou migration de populations, installation d’espèces envahissantes…) conduisant parfois à l’effondrement de la biodiversité locale.

Ces ouvrages sont également fixes, donc par définition, sont incapables de s’adapter ni au profil de tempête rencontré (direction de la houle, du vent…) ni à la configuration actuelle du littoral. Or, le littoral (en particulier le trait de côte) évolue lui-même dans le temps!

Enfin, il est souvent nécessaire de reconstruire ces solutions après un épisode de « coup de mer ». Cela engendre des coûts élevés et réguliers pour les collectivités pour espérer maintenir un service de protection qui, comme l’illustre l’actualité, est loin de réduire le risque de submersion à zéro.

Travaux de reconstruction d’une digue en enrochements

 

Pour toutes ces raisons, les collectivités sont demandeuses de solutions alternatives « douces », plus intelligentes, écoresponsables, et dont les budgets d’installation et de maintenance ne constitueraient plus une telle gabegie. Ajoutons au tableau le contexte de réchauffement climatique et de montée des eaux, comme le rapportent les rapports successifs du GIEC. Ce phénomène engendre, entre autres, la survenue d’épisodes de submersion marine de plus en plus violents et fréquents.

Vagues submersives frappant un littoral - Généré à l’aide de l’IA

 

SABRES, une flotte de drones marins submersibles brise-lames ?

SABRES est l’acronyme de « Submersible and Autonomous Breakwater based on a Removable and Ecofriendly System ».

Comme son nom l’indique, il s’agit d’une solution de type brise-lames amovible, c’est-à-dire déployé uniquement lorsqu’il y a un risque avéré de tempête, puis retiré une fois l’épisode de tempête terminé.

À la grande différence donc des ouvrages physiques traditionnels, ce déploiement ponctuel et provisoire réduirait drastiquement les impacts précités. Les SABRES sont des navires autonomes et submersibles à effet brise-lames, naviguant en flotte.

Concrètement, lors d’une alerte submersion, chaque navire serait capable, en toute autonomie et en évitant les obstacles, de rejoindre une position stratégique au large (1), de s’y immerger et de s’ancrer sur le sol marin (2), puis de déployer son dispositif brise-lames (3)

De gauche à droite : les trois phases principales du déploiement d’un SABRES | position stratégique au large (1) | immersion et ancrage (2) | déploiement du dispositif brise-lames (3)

 

Une fois la tempête terminée, ces navires replient leur dispositif brise-lames, remontent en surface et rentrent à leur base portuaire.

La mise en service de la solution est donc non seulement provisoire, mais également sur-mesure : à l’échelle de toute la flotte, les SABRES se répartissent stratégiquement au large de la zone la plus vulnérable ; à l’échelle de chaque SABRES, le dispositif brise-lames est orienté perpendiculairement à la houle rencontrée lors de cette tempête, optimisant ainsi son rôle de réduction d’énergie.

Cette innovation a vocation à accompagner les acteurs des collectivités territoriales dans leur stratégie de recomposition du littoral.

Elle s’adresse à toute commune sujette aux submersions marines ou susceptible de l’être. Rien qu’en France, 864 sont considérées comme « particulièrement vulnérables », par la Loi « Climat et Résilience ». Ce qui représente 1,5 millions d’habitants, et des enjeux économiques et stratégiques incontournables (fret maritime, pêche, tourisme, défense…).

Quelles sont les étapes à venir pour ce projet ?

À ce stade de preuve de concept, l’équipe-projet prévoit le développement de deux prototypes à échelle réduite.

Le premier, qui consistera en une maquette représentant mécaniquement un SABRES, plongée dans une « cuve génie côtier » génératrice de houle, visera à mesurer l’effet brise-lames du SABRES, et ainsi à estimer le nombre de SABRES qui seront nécessaires dans une flotte, selon les caractéristiques de la tempête annoncée et de la zone menacée.

Le deuxième, mobilise un ensemble de bateaux radiocommandés conçus sur mesure. Ce test évaluera l'algorithme novateur d'Akkodis qui contrôlera le pilotage automatique de la flotte de SABRES, permettant d'esquiver les obstacles et d'optimiser les trajets.

De gauche à droite : l’architecture des branchements des systèmes embarqués du prototype de navigation autonome du SABRES | la CAO de la maquette du bateau, réalisée par fabrication additive par le Fab Lab d’Akkodis, basé à Toulouse.

 

À ce sujet, une étude menée par Akkodis en intelligence artificielle a généré la publication d’un article dans la prestigieuse revue scientifique « Proceedings of the IEEE », soutenu lors de la 10ème Conférence ISCMI (International Conference on Soft Computing & Machine Intelligence), le 25 novembre dernier à Mexico.

Cette étude porte sur le potentiel des approches « SWARM » (décentralisées) dans l’optimisation des tâches de navigation en flotte dans des environnements spatiaux. Les résultats de ces travaux sont directement applicables au projet SABRES, qui s’appuiera ainsi sur un algorithme de pilotage de flotte particulièrement innovant.

Un projet innovant multidisciplinaire et collaboratif ?

Le projet SABRES nécessite un large éventail de compétences. Il fait appel à des spécialistes en mécanique, notamment dans les domaines de la conception navale, de la robotique, de la géotechnique et de l'écoconception. Des experts en informatique et systèmes embarqués contribuent également au projet grâce à leurs compétences en intelligence artificielle, en automatisme et cybersécurité. De plus, le projet intègre des connaissances en sciences marines, telles que la biologie marine, l'hydrodynamique côtière, la météorologie, ainsi qu'en sciences économiques et sociales.

Akkodis a la capacité de mobiliser sur le projet SABRES ses propres collaborateurs, aux profils et compétences variés : docteurs, ingénieurs, techniciens ...

La multidisciplinarité du projet offre de nombreuses possibilités de co-innovation. À titre d’exemple, le laboratoire Gladys (Université de Montpellier) a ainsi pu tester son algorithme innovant de modélisation hydro-morphodynamique côtière « Opti-Morph », avec pour cas d’étude, une houle de tempête frappant la côte de Palavas-les-Flots, protégée par un SABRES.

Profils Multi-1D générés par le code Opti-Morph. À gauche : un profil bathymétrique de Palavas-les-Flots auquel un SABRES a été ajouté. À droite : le même profil après la simulation d’une tempête (houle de hauteur maximale 2,5m, de période 2s).

 

Pour 2024, Akkodis affiche clairement son ambition d’atteindre un plan de financement pour SABRES, un objectif déjà concrétisé sur une quinzaine d’autres de ses projets innovants.

L'équipe Recherche et Développement Appliqué d’Akkodis suit de près les opportunités de financement liées à la protection du littoral, et présente activement le projet SABRES à divers partenaires potentiels, qu'ils soient industriels, institutionnels ou académiques, afin de former ce consortium d’innovation collaborative.