MobiDataLab : solutions de partage de données de mobilité dans le Cloud

Lancé en 2021, le projet MobiDataLab, auquel Akkodis a participé, a pour ambition d’améliorer le partage des données de mobilité au niveau européen pour permettre l’éclosion de services innovants.

10 minutes

22nd of April, 2024

Financé par l’Union européenne à la faveur d’une subvention de près de 3 millions d’euros du programme Horizon 2020, le projet MobiDataLab a pour objectif d’encourager le partage des données dans le secteur des transports par le biais de solutions Open Source dans le Cloud, à l’échelle internationale.

Ce programme de recherche vise à aider les acteurs de la mobilité à optimiser l’utilisation de leurs données afin d’améliorer leurs opérations et leurs services, en proposant une méthodologie réplicable et des outils pérennes.

Le projet MobiDataLab est basé sur un co-développement continu des connaissances et des solutions techniques en matière de partage des données dans les secteurs du transport et de la mobilité afin d’apporter un soutien aux villes, régions, groupes et associations par la construction progressive d'une base de connaissances intersectorielles et d'une plateforme de services en ligne, qui facilite l'accès et l'utilisation des ressources de partage de données.

L’équipe de Recherche et Développement Appliqué d’Akkodis a rassemblé et coordonné un consortium de 10 partenaires (1) issus de 7 pays et de différents secteurs, tels que l'industrie, la recherche, le monde universitaire ou encore le conseil. Ce consortium diversifié partage un engagement commun en faveur des données ouvertes et des principes de l'open-source, en mettant l'accent sur l'évolutivité et la reproductibilité en Europe et au-delà.

L’équipe Akkodis a directement contribué au développement du MobiDataLab Transport Cloud en concevant l’architecture d’une plateforme cloud et en implémentant un catalogue de données ouvertes et des services d'accès aux données permettant l'accès aux ressources de partage des données, ainsi que leur utilisation.

Ce projet a reçu un financement du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union Européenne dans le cadre de la convention de subvention n° 101006879.

 

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Thierry Chevallier , Chef de Projet Logiciel chez Akkodis et coordinateur technique du projet MobiDataLab , nous en dit plus. ⤵ ️  

Thierry, peux-tu te présenter ?

Ingénieur de formation à l’ ENSEIRB-MATMECA , je possède plus de 20 ans d’expérience professionnelle dans la conception et le développement de solutions web et mobile pour des secteurs divers comme l’industrie, le spatial, les sciences de la terre, le transport, le tourisme et la culture. Je suis à présent Chef de Projet Logiciel au sein de l’équipe de Recherche et Développement Appliqué d’ Akkodis avec une spécialisation dans les services web géolocalisés et l’analyse de données spatiales.   

Depuis 2021, j’assure la coordination technique du projet MobiDataLab avec la collaboration d’Hélène Roux qui s’occupe de la coordination administrative et financière. Sur ce projet, je pilote également la Base de Connaissances Ouvertes avec l’aide de Renée Obregon Gonzalez, et le Prototypage du Transport Cloud avec Sorel Sighoko .  

Quels étaient les enjeux et les objectifs du projet MobiDataLab ?  

 

Le projet MobiDataLab vise à encourager le partage des données entre les autorités de transport, les opérateurs et les autres acteurs de la mobilité en Europe. En effet, afin de proposer des services de mobilité plus sûrs, plus efficaces et plus durables, les experts du domaine s'accordent à dire que tous les acteurs du transport doivent travailler ensemble : les autorités locales, les acteurs privés qui fournissent des services innovants, les citoyens et le législateur, tant au niveau national qu'européen. Dans ce contexte, il est essentiel de favoriser le partage des données de transport entre les différents acteurs, en développant des outils de réutilisation à forte valeur ajoutée, et en s'appuyant sur l'Open Data en accélérant l'ouverture des données.  

L’objectif global du projet était donc de favoriser le développement d’une « culture du partage de données » dans le secteur de la mobilité, en Europe et au-delà, avec des méthodologies reproductibles et des outils durables. Il s’agissait de fournir aux autorités organisatrices de la mobilité des recommandations pour améliorer la valeur de leurs données tout en contribuant au développement d'outils ouverts dans le cloud et en organisant des hackathons visant à trouver des solutions innovantes à des problématiques concrètes de mobilité.  

Quels sont les objectifs et les impacts du projet MobiDataLab ?

Le premier objectif était de consolider les connaissances issues des plus importants projets et initiatives dans le domaine. Cette base de connaissances a permis d’identifier de nouvelles variables, exigences et normes nécessaires à la mise en place efficace de mécanismes de partage et de valorisation des données dans le secteur du transport et de la mobilité, et principalement la mobilité urbaine. Enrichie par des cas d'utilisation réels et des contributions des parties prenantes de la mobilité, la base de connaissances ouverte est devenue une référence incontournable pour naviguer dans l'interopérabilité, les cadres juridiques, les préoccupations en matière de protection de la vie privée et les obstacles technologiques.  

Le second objectif était lié au développement d’outils permettant d’extraire les données de mobilité disponibles afin de contribuer à un partage plus large des données entre les parties prenantes du secteur et d’aboutir à des produits et services de mobilité améliorés, notamment dans l’environnement urbain. Cet élément devait permettre de mieux comprendre et de saisir les possibilités de prédiction et d’optimisation des flux de transport, ce qui, à son tour, pourrait permettre d’améliorer l’efficacité du système de transport.   

Le troisième objectif était de fournir, grâce à ces outils, des écosystèmes d'innovation ouverte pour une amélioration effective de la culture du partage des données entre les différentes parties prenantes (fournisseurs de données, sociétés de transport, collectivités, usagers, etc.). Les « data labs » organisés par le consortium permettent la résolution agile des problèmes et l'innovation à long terme, en mettant en relation des détenteurs de données avec des innovateurs et des fournisseurs de solutions, pour mettre en évidence la valeur de la réutilisation et de l'échange de données.  

Et enfin, des impacts environnementaux et sociétaux sont également attendus tels que la réduction des émissions de CO2 qui pourront être obtenus grâce à l’optimisation des flux de transport et l’augmentation de la satisfaction des usagers vis-à-vis des services de mobilité (temps de parcours, cadence et accessibilité des transports, etc.) Une étude d’impact permet d’évaluer comment ces innovations peuvent conduire à de nouveaux modèles d'affaires, améliorer les avantages sociétaux et atténuer les impacts environnementaux.   

Grâce à une évaluation rigoureuse, MobiDataLab cherche à déterminer la faisabilité de l'exploitation du partage des données pour répondre aux besoins changeants des utilisateurs tout en favorisant les services de transport durables et les opportunités économiques.

Quel a été le rôle de chaque acteur dans le cadre de ce consortium MobiDataLab ?

L’ensemble des entreprises, partenaires académiques, associations et organisations qui sont intervenus sur ce projet ont apporté un éventail de compétences et de connaissances à la fois scientifiques, technologiques, économiques et sociétales, permettant de constituer une chaîne de valeur complète autour du partage de la donnée de mobilité.

Akkodis, le CNR (Consiglio Nazionale delle Ricerche) et URV (Universitat Rovira i Virgili) ont apporté le socle scientifique et technique dans le développement du prototype du cloud de transport. 

HOVE et HERE ont endossé le rôle de fournisseurs de données et de services numériques (tels les planificateurs d’itinéraire), afin de pouvoir s’interfacer avec le prototype. 

ICOOR (Interuniversity Consortium for Optimization and Operation Research) et KUL (Katholieke Universiteit Leuven) ont apporté des savoirs scientifiques complémentaires et critiques dans la compréhension des enjeux business, légaux et sociétaux inhérents au partage de données de mobilité. 

Et enfin, POLIS, F6S et AETHON ont joué un rôle important d’engagement de tous acteurs autour du projet (villes, sociétés de transport, écosystèmes de start-ups) qui ont participé aux hackathons et contribué aux réflexions autour du partage de données et des phases de test du prototype.

Quels ont été les défis et les contraintes à relever ?

La première difficulté a été d'identifier des problématiques concrètes de mobilité qui peuvent être résolues grâce au numérique, et même dont la résolution n'est possible que par le numérique – les cas d'usage.  

Pour ce faire, nous sommes entrés en contact avec les autorités organisatrices de mobilité. Ainsi nous avons pu identifier les défis et acteurs suivants : l'accessibilité aux grands évènements (avec la ville de Milan), l'amélioration de la mobilité piétonne (avec la ville de Paris), l'optimisation de l'emplacement des pôles d'échange multimodal (avec la ville de Louvain), etc. 

La deuxième difficulté, technique, a été la conception et la mise en œuvre d'une plateforme cloud d'accès aux données, augmentée de services permettant l'anonymisation des données pour les fournisseurs, et l'enrichissement des données pour les ré-utilisateurs – enrichissement « sémantique » sur la base d'un vocabulaire commun à différents jeux de données, ou « géographique » sur la base d'une localisation commune à différentes données.  

Pour ce faire nous avons développé des composants de bout en bout (ou processeurs) mais aussi contribué à des projets open-source existants notamment pour le moissonnage et le catalogage de sources de données, tel que le catalogue CKAN ou la planification d'itinéraires de notre partenaire Hove.  

Comment avez-vous résolu ces défis techniques ?

Pour résoudre ces défis techniques, nous avons coorganisé trois sessions d'innovation de type hackathon à Berlin, Paris et Louvain. L’objectif de ces trois événements était de réunir en un même endroit le maximum de participants ayant les compétences requises pour résoudre les défis proposés avec les techniques de l'ingénierie logicielle et de la data science, ainsi que des fournisseurs de données et des évaluateurs experts du domaine. 

Les trois formats de « mobility data lab » du projet

 

Avec plus de 200 inscriptions individuelles reçues, nous avons pu cocréer, explorer et expérimenter la plateforme.

Les solutions innovantes proposées par les équipes primées sont très prometteuses. 

Figure 1 : Inventaire des outils et services proposés par la plateforme MobiDataLab

 

Quant au prototype de la plateforme Transport Cloud que nous avons mis à disposition des participants, il a montré son utilité et sa robustesse lors des sessions d'innovation avec ses catalogues de données et de services mais également avec ses processeurs de données.  

Parmi les évolutions qui pourraient constituer un axe d’innovation, la plus prometteuse est l'alignement du prototype Transport Cloud sur l'architecture des espaces de données (dataspaces). Il s'agit en effet d'une piste très intéressante pour la standardisation de la plateforme. Cette évolution n'a pas pu être mise en œuvre pendant le projet en raison de la faible maturité technologique des initiatives correspondantes, mais elle devrait devenir une possibilité technique réaliste dans un avenir proche, compte tenu des développements majeurs en cours dans l'écosystème des espaces de données, en particulier les espaces de données de mobilité. 

Comment fonctionne la plateforme MobiDataLab Transport Cloud ?

L'architecture de la plateforme Transport Cloud a été principalement conçue pour promouvoir le partage des données de mobilité entre les fournisseurs de données et leurs réutilisateurs (ou consommateurs de données). Elle a pour objectif de garantir un accès sécurisé, efficient et transparent aux données de mobilité, tout en assurant le respect des principes FAIR (2) (Findability Accessibility Interoperability Reusability). En d'autres termes, cela signifie que les données de mobilité doivent être faciles à trouver, accessibles, interopérables et réutilisables par tous. 

Il est intéressant de se concentrer sur la manière dont les consommateurs de données et les producteurs s'interfacent et interagissent avec la plateforme Transport Cloud comme le présente la vue d'ensemble de l'architecture ci-dessous.  

Figure 2: Architecture du Transport Cloud MobiDataLab

 

Les consommateurs de données (encadré 1, figure 2), peuvent interagir avec la plateforme par le biais de plusieurs canaux (encadré 2, figure 2). Les données récupérées auprès de fournisseurs/services tiers (encadré 8) peuvent être importées ou consultées à la volée à l'aide du composant API de données et de services (encadré 4, figure 2). 

Les mécanismes d'accès à ces sources d'information sont identifiés et mis en œuvre en fonction des opérations à effectuer et des types de données et de services auxquels il est nécessaire d'accéder. Les consommateurs de données une fois authentifiés soumettent leurs demandes via l'API qui, à son tour, traite les demandes en interrogeant les métadonnées et les catalogues de services (encadré 3, figure 2 et détaillés ci-dessous) pour trouver les sources de données et les services appropriés. 

Les données peuvent être consultées à la source ou être importées dans la plateforme, ce qui dans ce dernier cas nécessite des solutions de stockage appropriées (encadré 7, figure 2). 

Figure 3: Moissonnage des données dans catalogues CKAN et GeoNetwork

 

La découverte des données est améliorée grâce à des solutions de catalogage, généralistes ou thématiques, que nous avons intégrés à la plateforme. Les solutions proposées aux utilisateurs sont CKAN et GeoNetwork. Elles ont permis aux participants des hackathons de découvrir les données de mobilité pour résoudre les défis proposés. A l’aide de normes de partage de données telles que DCAT, CSW et CKAN API, un moissonnage automatique a été mis en place, nous permettant de collecter jusqu'à plus de 100.000 ensembles de données depuis des sources hétérogènes telles que le Point d’Accès National et les portails de données ouvertes (figure 3).  

Les métadonnées de chaque ensemble de données contiennent des informations descriptives permettant à la fois la compréhension humaine et la découverte automatique par des agents logiciels. Elles fournissent également des informations structurelles sur la structure interne des ensembles de données, ce qui permet d'interpréter manuellement ou automatiquement les schémas de données. 

Par ailleurs, des processeurs de données ont été développés et permettent d’enrichir la donnée, de l'anonymiser, ou de la normaliser (encadré 5, figure 2). Un processeur peut être défini comme un composant qui modélise une fonction qui entre des données et produit une sortie selon une logique bien définie. 

Figure 4: API d’enrichissement géographique des données de mobilité développée par Akkodis

 

Le processeur d’enrichissement géographique développé par Akkodis permet d’agréger et d’enrichir des informations provenant des trois sources suivantes : l’API Navitia, OpenStreetMap et les APIs de HERE Technologies. Il supporte 3 formats de données standards pour l'enrichissement : OSM, GTFS, et GeoJson. 

L'intégration d'informations géographiques dans les ensembles de données sur la mobilité permet d'obtenir des informations précieuses sur les schémas d’organisation spatiale, les préférences en matière d'itinéraires et la dynamique urbaine. Cet enrichissement permet non seulement d'améliorer la précision des services de géolocalisation, mais aussi la planification urbaine, la gestion des transports et la durabilité environnementale. La possibilité de combiner des données de mobilité avec le contexte géographique est un instrument essentiel pour comprendre et optimiser les différentes facettes du mouvement humain dans un environnement de plus en plus interconnecté.

Quels sont les futurs objectifs ?

Le projet MobiDataLab s’est terminé en février 2024. L'impact du projet a été important, non seulement en favorisant la collaboration et l'innovation, mais aussi en façonnant l'avenir de l'échange de données sur la mobilité. A moyen terme, nous allons poursuivre l’exploitation des résultats avec les partenaires.  

La base de connaissances MobiDataLab offre de nombreuses possibilités d'exploitation. Il s'agit d'un excellent moyen de présenter le travail effectué en matière de partage des données sur la mobilité. Sa promotion se poursuivra après le projet, pour attirer des contributeurs supplémentaires et rendre le contenu aussi accessible que possible. 

En alignant la plateforme Transport Cloud avec les recommandations de l'architecture de l'espace de données, nous serons en mesure de présenter un espace de données de mobilité augmenté avec des services adaptés pour résoudre des problèmes concrets de mobilité urbaine, sur la base de technologies innovantes.  

Nous espérons maintenir la communauté d'utilisateurs créée au cours du projet et permettre à cet écosystème le développement de produits et services durables utiles pour d'autres municipalités. Nous souhaitons également organiser d'autres laboratoires de données personnalisés - en offrant un accès ouvert aux services du catalogue et en fournissant un terrain de jeu pour tester des solutions et des applications. 

Avec sa base de connaissances ouverte, sa solution Transport Cloud et ses data labs vivants et virtuels, MobiDataLab a contribué à faire du partage de données dans le secteur des transports une pratique incontournable pour améliorer les services de mobilité 

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Pour en savoir plus sur le projet MobiDataLab https://mobidatalab.eu/  

  1. Interuniversity Consortium for Optimization and Operation Research – ICOOR (Italie): Expertise scientifique en analyses technico et socio-économiques, AETHON ENGINEERING – AETHON (Grèce) : Apport technique et développement d’un laboratoire virtuel, Consiglio Nazionale delle Ricerche – CNR (Italie) : Apports technique sur le traitement des données dans le Cloud, Hove (France) : Apport de son application de données de transport (Navitia.io) et gestion des activités d’exploitation, HERE Technologies – HERE (Pays-Bas) : Apports de solutions sur les données spatiales, Universitat Rovira i Virgili – URV (Espagne) : Expertise scientifique sur la protection des données privées (Chaire UNESCO), KU Leuven – KUL (Belgique) : Expertises légales et réglementaires, POLIS Association Internationale – POLIS (Belgique) : Engagement des acteurs du monde des Smart Cities autour du projet, F6S Network Ireland – F6S (Irlande) : Construction d’écosystèmes de PME et start-ups autour du projet. 
  2. 1 Wilkinson et al (2016) M. D. Wilkinson, M. Dumontier, I. J. Aalbersberg, G. Appleton, M. Axton, A. Baak, N. Blomberg, J.-W. Boiten, L. B. da Silva Santos, P. E. Bourne, et al., The FAIR guiding principles for scientific data management and stewardship, Scientific data 3 (2016) 1–9.7